Un remède contre la calvitie ? Deux traitements confirment leur effet sur la repousse des cheveux...de souris. Le secret ? L'activation des follicules pileux en dormance.
MECANISME. Comme le baiser du Prince à la Belle au bois dormant, un traitement pourrait bien réveiller le cycle capillaire des personnes atteintes de calvitie et relancer la repousse des cheveux ! C'est en tout cas ce que laisse entendre Angela Christiano, du département de dermatologie du Centre médical de l'université Columbia à New York, qui publie une nouvelle étude dans Science Advances*.
Son équipe avait déjà découvert l’année dernière qu’une famille de médicaments, inhibiteurs d’une certaine enzyme, stimulait la croissance rapide et robuste du cheveu lors d’une maladie d’origine auto-immune, l’alopécie (calvitie) aerata ou pelade. Une piste contre la calvitie également explorée avec des résultats impressionnants par des chercheurs de l'université de Yale. www.hairdilyser.net
Aujourd’hui, l'équipe de Colombia démontre que l’effet du traitement est aussi important chez les sujets normaux, en découvre le mécanisme et, surtout, en améliore le résultat, chez la souris du moins !
Le cycle du cheveu qui mène à la calvitie
Pour rappel, le cheveu suit un cycle capillaire immuable en trois phases de deux à cinq ans, la phase anagène (pousse du cheveu), catagène (le cheveu n'est plus nourri), télogène (fin de vie du cheveu, chute). Lors de la forme la plus fréquente de calvitie, l’alopécie androgénétique, héréditaire, qui touche 70 % des hommes, le cheveu est comme bloqué en phase finale, télogène. "Certains troubles de la croissance capillaire sont caractérisés par l’incapacité pour le cheveu à entrer dans la phase de croissance (anagène), à cause de la miniaturisation du follicule pileux", explique Angela Christiano. Selon elle, les traitements actuels se focalisent sur la préservation des cheveux restants, alors que ses travaux cherchent à relancer la repousse de nouveaux.
Restaurer la croissance capillaire
L’équipe teste depuis un certain temps deux médicaments pour le traitement de l’alopécie aerata : le ruxolitinib (prescrit dans le traitement de syndrome myéloprolifératif) et le tofacitinib (prescrit pour l’arthrite rhumatoïde). Tous deux agréés par la Food and Drug Administration américaine, leur point commun est d’être inhibiteurs d’une enzyme, la janus kinase (JAK), qui joue un rôle dans une voie de signalisation responsable de la survie et de la prolifération cellulaires. "Comme nous l’avons déjà montré dans une publication en 2014, chez la souris et chez l’homme, ces traitements — par voie orale — restaurent la croissance capillaire", assure Angela Christiano.
Au cours de leur étude, les chercheurs ont fait une découverte inattendue. "Le traitement topique (appliqué sur la peau) des inhibiteurs de JAK donnait une croissance capillaire robuste, suggérant une action localisée sur le déclenchement du cycle capillaire." En clair chez les souris, il poussait encore plus de poils lorsque le traitement était appliqué directement sur la peau plutôt que donné oralement ! Lorsqu’ils ont regardé les follicules pileux de plus près, ils ont alors découvert que les inhibiteurs de JAK activaient la phase anagène...
Ni une ni deux, l’équipe a réitéré l’expérience sur des souris normales, rasées à moitié, lorsque le poil était en phase télogène. Résultat : les rongeurs traités pendant cinq jours développent de nouveaux poils alors qu’aucune croissance n'est observée chez les animaux non traités. "Cela nous enseigne que les inhibiteurs de JAK peuvent stimuler les poils en phase télogène pour qu’ils entrent en phase anagène." Même bilan lorsque des follicules pileux humains sont greffés sur le dos des souris. "Les traitements peuvent probablement induire le même processus chez l’humain."
Une souris rasée n'est cependant pas une souris rendue chauve par la calvitie. Mais la chercheuse est confiante : "Ce n’est pas un modèle d’alopécie, certes. Néanmoins, plusieurs formes d’alopécie sont caractérisées par des poils ou cheveux stoppés dans leur état de repos (télogène) du cycle capillaire."
Vers un traitement contre la calvitie ?
Il reste donc à montrer si les inhibiteurs de JAK peuvent réveiller les follicules pileux qui ont été mis au repos à cause d’une alopécie androgénétique. Mais aussi s’assurer qu’il n’y a pas d’effets secondaires. "Les inhibiteurs de JAK sont une classe de traitements qui a des effets secondaires lorsqu’ils sont donnés systématiquement, incluant une immunosuppression, des chutes de la formulation sanguine, des risques potentiels de cancer et d’infection, admet sans problème Angela Christiano. Ils n’ont pas encore été approuvés pour une utilisation topique, mais en règle générale l’administration topique d’un traitement est une façon de minimiser les effets secondaires en limitant l’absorption dans le sang." L'équipe de Columbia croit dur comme fer à un futur traitement — le plus probablement à base d’ inhibiteurs de JAK — qui serait appliqué tous les jours sur le cuir chevelu.
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